A condition d’adopter une logique un tantinet. brutale.
Face a son ecran, Christophe, 42 ans, se sent perdu. Celibataire epuis minimum, le Genevois etait pourtant enthousiaste en decouvrant nos apparentes facilites offertes par des applis de drague – Tinder, Happn ou OkCupid, entremetteurs stars des annees 2010. Pour franchir le gui?re, il a choisi la premiere d’entre elles. Et lorsqu’une notification lui signifiant «It’s a match!» reste apparue, il a immediatement retourne contact avec le webmaster qui, comme lui, l’avait choisi Afin de relation potentielle, avec invitation, aussi, a rencontre reelle autour d’un verre. Deconfiture totale: jamais le quadragenaire n’a recu de reponse.
Tinder
Quelle erreur a bien pu commettre Christophe? Il avait fignole sa langue francaise, ne s’etait gui?re montre lourdement suggestif: juste amical et curieux de connaitre l’autre. Bref, il s’etait comporte tel il l’aurait fait au sein d’ un cadre de socialisation traditionnelle, travail, bar ou concert… Et c’est la, precisement, qu’il a eu tout faux. Car l’usage des applications de rencontre a modifie les codes de la drague tels qu’on nos concevait on voit i nouveau certains annees i propos des sites de rencontre, confirme Olivier Voirol, sociologue a l’Universite de Lausanne (UNIL). «Ces applis jouent sur l’immediatete et la simplicite technique. Celles-ci s’accompagnent cepen dant d’un retropedalage en matiere d’echange. J’ai richesse du langage», verbal et non verbal, «s’y deniche remplacee avec des codes». Adieu l’attaque eclair ou un regard suffisait a Realiser savoir a Miss ou Mister qu’il etait eligible au flirt, a J’ai frequentation de sa literie personnelle, voire plus si affinites. La seduction 2.0 s’apparente desormais a une approche typee felin, tout en strategie.
Vous avez dit «swipe»?
Le gringue virtuel a donc instaure ses «do» et ses «don’t», et mieux vaut des connaitre avant de se lancer. Peu importe comment commencer une conversation sur meetmindful la generation a laquelle on appartient. «Le mec qui, des qu’il a votre match, te contacte en t’assaillant de questions et en voulant d’emblee te approcher, ca fera vraiment celui qui creve la dalle, explique Anna, trentenaire de Geneve qui travaille dans les organisations internationales. Habituellement, je bloque les individus ayant ce type de comportement.» Autant penser que c’est la douche froide pour quiconque a votre naivete de croire que le virtuel donne a chacun l”™occasion d’entrer en relation avec qui il souhaite.
Au sommet de votre rude ecosysteme? Le swipe. Comprenez le mouvement de doigt sur l’ecran. A droite pour penser oui, a gauche pour non. Un peu sec, certes. Neanmoins,, souvent raillees Afin de leur nature consumeriste, les applications de dating correspondent a l’evolution de des usages numeriques. «Tinder est une application essentiellement mobile, explique Olivier Glassey, lui aussi sociologue a l’UNIL. On la transporte partout avec soi, on la consulte comme on le ferait de Google Maps ou de l’horaire des CFF. C’est quelque peu triste de comparer les relations humaines a des horaires de transports publics, mais le modele de fonctionnement reste le aussi.» Bus ou retrouve, il s’agit de connaitre les opportunites a disposition et a proximite. Conscients de l’aspect zapping associe a toutes les applications de dating, bon nombre de utilisateurs ne s’en offusquent gui?re. Ils y trouvent meme une certaine honnetete. «Quand, dans un bar, tu regardes quelqu’un, c’est l’equivalent du swipe dans la droite, explique Charlotte, quadragenaire romande. Et quand on vous rend ton regard, c’est un match. Ensuite, dans un bar comme dans Tinder, tu peux adresser ou non la parole a l’autre.»
«On entend souvent penser que le swipe reste quelque chose d’assez rudimentaire, reprend Olivier Glassey. Neanmoins, lorsqu’on regarde les individus dans la rue ou dans un bar, le tri reste semblable. Notre seule difference, et elle n’est nullement negligeable, c’est que dans la vraie vie on a l’opportunite de repasser en arriere, de regarder a nouveau l’individu, en decouvrir.»